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consuelo.

priver leurs hoirs de l’honneur qui leur revenait d’être issus d’une femme glorieusement apparentée.

« — Mais ce n’est pas ici le cas d’appliquer cette règle, reprit Albert avec une ténacité à laquelle il n’était point sujet. Je conçois l’alliance de deux noms illustres. Je trouve fort légitime qu’une femme transmette à ses enfants son nom accolé à celui de son époux. Mais l’effacement complet de ce dernier nom me paraît un outrage de la part de celle qui l’exige, une lâcheté de la part de celui qui s’y soumet.

« — Vous rappelez des choses bien anciennes, Albert, dit la chanoinesse avec un profond soupir, et vous appliquez la règle plus mal à propos que moi. Monsieur l’abbé pourrait croire, en vous entendant, que quelque mâle, dans notre ascendance, aurait été capable d’une lâcheté ; et puisque vous savez si bien des choses dont je vous croyais à peine instruit, vous n’auriez pas dû faire une pareille réflexion à propos des événements politiques… déjà bien loin de nous, Dieu merci !

« — Si ma réflexion vous inquiète, je vais rapporter le fait, afin de laver notre aïeul Withold, dernier comte des Rudolstadt, de toute imputation injurieuse à sa mémoire. Cela paraît intéresser ma cousine, ajouta-t-il en voyant que je l’écoutais avec de grands yeux, tout étonnée que j’étais de le voir se lancer dans une discussion si contraire à ses idées philosophiques et à ses habitudes de silence. Sachez donc, Amélie, que notre arrière-grand-père Wratislaw n’avait pas plus de quatre ans lorsque sa mère Ulrique de Rudolstadt crut devoir lui infliger la flétrissure de quitter son véritable nom, le nom de ses pères, qui était Podiebrad, pour lui donner ce nom saxon que vous et moi portons aujourd’hui, vous sans en rougir, et moi sans m’en glorifier.

« — Il est au moins inutile, dit mon oncle Christian,