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consuelo.

les yeux : c’était la laideur de Consuelo. Les personnes généreuses qui s’intéressaient à elle regrettaient d’abord qu’elle ne fût pas jolie ; et puis, se ravisant, elles disaient, en lui prenant la tête avec cette familiarité qu’on n’a pas pour la beauté : « Eh bien, toi, tu as la mine d’une bonne créature » ; et Consuelo était fort contente, bien qu’elle n’ignorât point que cela voulait dire : « Tu n’as rien de plus. »

Cependant le jeune et beau seigneur qui lui avait offert de l’eau bénite resta auprès de la coupe lustrale, jusqu’à ce qu’il eût vu défiler l’une après l’autre jusqu’à la dernière des scolari. Il les regarda toutes avec attention, et lorsque la plus belle, la Clorinda, passa près de lui, il lui donna l’eau bénite avec ses doigts, afin d’avoir le plaisir de toucher les siens. La jeune fille rougit d’orgueil, et passa outre, en lui jetant ce regard, mêlé de honte et d’audace, qui n’est l’expression ni de la fierté ni de la pudeur.

Dès qu’elles furent rentrées dans l’intérieur du couvent, le galant patricien revint sous la nef, et abordant le professeur qui descendait plus lentement de la tribune : « Par le corps de Bacchus ! vous allez me dire, mon cher maître, s’écria-t-il, laquelle de vos élèves a chanté le Salve Regina.

— Et pourquoi voulez-vous le savoir, comte Zustiniani ? répondit le professeur en sortant avec lui de l’église.

— Pour vous en faire mon compliment, reprit le patricien. Il y a longtemps que je suis, non-seulement vos vêpres, mais jusqu’à vos exercices ; car vous savez combien je suis dilettante de musique sacrée. Eh bien, voici la première fois que j’entends chanter du Pergolèse d’une manière aussi parfaite ; et quant à la voix, c’est certainement la plus belle que j’aie rencontrée dans ma vie.

— Par le Christ ! je le crois bien ! répliqua le professeur