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et sans foi, lui avait répondu le maître indigné ; tu ne méritas jamais l’affection de cette noble fille, et tu ne sauras jamais de moi ce qu’elle est devenue. Je mettrai tous mes soins à ce que tu ne retrouves pas sa trace, et j’espère que si le hasard te la fait rencontrer un jour, ton image sera effacée de son cœur et de sa mémoire autant que je le désire et que j’y travaille. »

De chez le Porpora, Anzoleto s’était rendu à la Corte-Minelli. Il avait trouvé la chambre de Consuelo déjà livrée à un nouvel occupant et tout encombrée des matériaux de son travail. C’était un ouvrier en verroterie, installé depuis longtemps dans la maison, et qui transportait là son atelier avec beaucoup de gaieté.

« Ah ! ah ! c’est toi mon garçon, dit-il au jeune ténor. Tu viens me voir dans mon nouveau logement ? J’y serai fort bien, et ma femme est toute joyeuse d’avoir de quoi loger tous ses enfants en bas. Que cherches-tu ? Consuelina aurait-elle oublié quelque chose ici ? Cherche, mon enfant ; regarde. Cela ne me fâche point.

— Où a-t-on mis ses meubles ? dit Anzoleto tout troublé, et déchiré au fond du cœur de ne plus retrouver aucun vestige de Consuelo, dans ce lieu consacré aux plus pures jouissances de toute sa vie passée.

— Les meubles sont en bas, dans la cour. Elle en a fait cadeau à la mère Agathe ; elle a bien fait. La vieille est pauvre, et va se faire un peu d’argent avec cela. Oh ! la Consuelo a toujours eu un bon cœur. Elle n’a pas laissé un sou de dette dans la Corte ; et elle a fait un petit présent à tout le monde en s’en allant. Elle n’a emporté que son crucifix. C’est drôle tout de même, ce départ, au milieu de la nuit et sans prévenir personne ! Maître Porpora est venu ici dès le matin arranger toutes ses affaires ; c’était comme l’exécution d’un testament. Ça a fait de la peine à tous les voisins ; mais enfin on s’en console