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consuelo.

d’amant ! jamais de famille ! Mon maître l’a dit ! la liberté, l’idéal, la solitude, la gloire !… »

Et elle fondit en larmes si déchirantes, que le comte effrayé se jeta à genoux auprès d’elle et s’efforça de la calmer. Mais il ne put rien dire de salutaire à cette âme blessée, et sa passion, arrivée en cet instant à son plus haut paroxysme, s’exprima en dépit de lui-même. Il ne comprenait que trop le désespoir de l’amante trahie. Il fit parler l’enthousiasme de l’amant qui espère. Consuelo eut l’air de l’écouter, et retira machinalement sa main des siennes avec un sourire égaré que le comte prit pour un faible encouragement. Certains hommes, pleins de tact et de pénétration dans le monde, sont absurdes dans de pareilles entreprises. Le médecin arriva et administra un calmant à la mode qu’on appelait des gouttes. Consuelo fut ensuite enveloppée de sa mante et portée dans sa gondole. Le comte y entra avec elle, la soutenant dans ses bras et parlant toujours de son amour, voire avec une certaine éloquence qui lui semblait devoir porter la conviction. Au bout d’un quart d’heure, n’obtenant pas de réponse, il implora un mot, un regard.

« À quoi donc dois-je répondre ? lui dit Consuelo, sortant comme d’un rêve. Je n’ai rien entendu. »

Zustiniani, découragé d’abord, pensa que l’occasion ne pouvait revenir meilleure, et que cette âme brisée serait plus accessible en cet instant qu’après la réflexion et le conseil de la raison. Il parla donc encore et trouva le même silence, la même préoccupation, seulement une sorte d’empressement instinctif à repousser ses bras et ses lèvres qui ne se démentit pas, quoiqu’il n’y eût pas d’énergie pour la colère. Quand la gondole aborda, il essaya de retenir Consuelo encore un instant pour en obtenir une parole plus encourageante.

« Ah ! seigneur comte, lui répondit-elle avec une froide