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consuelo.

Et Consuelo raconta toute l’histoire de sa vie et de son amour, qui était une seule et même histoire.

Le Porpora en fut ému, mais non ébranlé.

« Dans tout ceci, dit-il, je ne vois que ton innocence, ta fidélité, ta vertu. Quant à lui, je vois bien le besoin qu’il a eu de ta société et de tes enseignements, auxquels, bien que tu en penses, je sais qu’il doit le peu qu’il sait et le peu qu’il vaut ; mais il n’en est pas moins vrai que cet amant si chaste et si pur n’est que le rebut de toutes les femmes perdues de Venise, qu’il apaise l’ardeur des feux que tu lui inspires dans les maisons de débauche, et qu’il ne songe qu’à t’exploiter, tandis qu’il assouvit ailleurs ses honteuses passions.

— Prenez garde à ce que vous dites, répondit Consuelo d’une voix étouffée ; j’ai coutume de croire en vous comme en Dieu, ô mon maître ! Mais en ce qui concerne Anzoleto, j’ai résolu de vous fermer mes oreilles et mon cœur… Ah ! laissez-moi vous quitter, ajouta-t-elle en essayant de détacher son bras de celui du professeur, vous me donnez la mort.

— Je veux donner la mort à ta passion funeste, et par la vérité je veux te rendre à la vie, répondit-il en serrant le bras de l’enfant contre sa poitrine généreuse et indignée. Je sais que je suis rude, Consuelo. Je ne sais pas être autrement, et c’est à cause de cela que j’ai retardé, tant que je l’ai pu, le coup que je vais te porter. J’ai espéré que tu ouvrirais les yeux, que tu comprendrais ce qui se passe autour de toi. Mais au lieu de t’éclairer par l’expérience, tu te lances en aveugle au milieu des abîmes. Je ne veux pas t’y laisser tomber ! moi ! Tu es le seul être que j’aie estimé depuis dix ans. Il ne faut pas que tu périsses, non, il ne le faut pas.

— Mais, mon ami, je ne suis pas en danger. Croyez-vous que je mente quand je vous jure, par tout ce qu’il