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consuelo.

son boudoir, par un regard pénétrant, que j’ai raison de me méfier de toi : car en ce moment tu trompes quelqu’un ici. Est-ce elle ou moi ?

— Ni l’une ni l’autre, s’écria-t-il en cherchant à se justifier à ses propres yeux ; je ne suis point son amant, je ne le fus jamais. Je n’ai pas d’amour pour elle ; car je ne suis pas jaloux du comte.

— En voici bien d’une autre ! Ah ! tu es jaloux au point de le nier, et tu viens ici pour te guérir ou te distraire ? grand merci !

— Je ne suis point jaloux, je vous le répète ; et pour vous prouver que ce n’est pas le dépit qui me fait parler, je vous dis que le comte n’est pas plus son amant que moi ; qu’elle est honnête comme un enfant qu’elle est, et que le seul coupable envers vous, c’est le comte Zustiniani.

— Ainsi, je puis faire siffler la zingarella sans t’affliger ? Tu seras dans ma loge et tu la siffleras, et en sortant de là tu seras mon unique amant. Accepte vite, ou je me rétracte.

— Hélas, madame, vous voulez donc m’empêcher de débuter ? car vous savez bien que je dois débuter en même temps que la Consuelo ? Si vous la faites siffler, moi qui chanterai avec elle, je tomberai donc, victime de votre courroux ? Et qu’ai-je fait, malheureux que je suis, pour vous déplaire ? Hélas ! j’ai fait un rêve délicieux et funeste ! je me suis imaginé tout un soir que vous preniez quelque intérêt à moi, et que je grandirais sous votre protection. Et voilà que je suis l’objet de votre mépris et de votre haine, moi qui vous ai aimée et respectée au point de vous fuir ! Eh bien, madame, contentez votre aversion. Faites-moi tomber, perdez-moi, fermez-moi la carrière. Pourvu qu’ici en secret vous me disiez que je ne vous suis point odieux, j’accepterai les marques publiques de votre courroux.