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tanisme des pompeuses annonces et de ces mille vilains petits moyens que nous avons si bien fait progresser en impertinence et en mauvaise foi. À Venise, en ce temps-là, les journaux ne jouaient pas un grand rôle dans de telles affaires. On ne travaillait pas aussi savamment la composition de l’auditoire ; on ignorait les ressources profondes de la réclame, les hâbleries du bulletin biographique, et jusqu’aux puissantes machines appelées claqueurs. Il y avait de fortes brigues, d’ardentes cabales ; mais tout cela s’élaborait dans les coteries, et s’opérait par la seule force d’un public engoué naïvement des uns, hostile sincèrement aux autres. L’art n’était pas toujours le mobile. De petites et de grandes passions, étrangères à l’art et au talent, venaient bien, comme aujourd’hui, batailler dans le temple. Mais on était moins habile à cacher ces causes de discorde, et à les mettre sur le compte d’un dilettantisme sévère. Enfin c’était le même fond aussi vulgairement humain, avec une surface moins compliquée par la civilisation.

Zustiniani menait ces sortes d’affaires en grand seigneur plus qu’en directeur de spectacle. Son ostentation était un moteur plus puissant que la cupidité des spéculateurs ordinaires. C’était dans les salons qu’il préparait son public, et chauffait les succès de ses représentations. Ses moyens n’étaient donc jamais bas ni lâches ; mais il y portait la puérilité de son amour-propre, l’activité de ses passions galantes, et le commérage adroit de la bonne compagnie. Il allait donc démolissant pièce à pièce, avec assez d’art, l’édifice élevé naguère de ses propres mains à la gloire de Corilla. Tout le monde voyait bien qu’il voulait édifier une autre gloire ; et comme on lui attribuait la possession complète de cette prétendue merveille qu’il voulait produire, la pauvre Consuelo ne se doutait pas encore des sentiments du comte