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consuelo.

jeter les yeux sur ce papier, en attendant qu’elle ouvre les siens.

— Un engagement avant l’épreuve des débuts ! Mais c’est magnifique, ô mon noble patron ! Et le début tout de suite ? avant que l’engagement de la Corilla soit expiré ?

— Ceci ne m’embarrasse point. Il y a un dédit de mille séquins avec la Corilla : nous le paierons ; la belle affaire !

— Mais si la Corilla suscite des cabales ?

— Nous la ferons mettre aux plombs, si elle cabale.

— Vive Dieu ! Rien ne gêne votre seigneurie.

— Oui, Zoto, répondit le comte d’un ton raide, nous sommes comme cela ; ce que nous voulons, nous le voulons envers et contre tous.

— Et les conditions de l’engagement sont les mêmes que pour la Corilla ? Pour une débutante sans nom, sans gloire, les mêmes conditions que pour une cantatrice illustre, adorée du public ?

— La nouvelle cantatrice le sera davantage ; et si les conditions de l’ancienne ne la satisfont pas, elle n’aura qu’un mot à dire pour qu’on double ses appointements. Tout dépend d’elle, ajouta-t-il en élevant un peu la voix, car il s’aperçut que la Consuelo s’éveillait : son sort est dans ses mains. »

Consuelo avait entendu tout ceci dans un demi-sommeil. Quand elle se fut frotté les yeux et assuré que ce n’était point un rêve, elle se glissa dans sa ruelle sans trop songer à l’étrangeté de sa situation, releva sa chevelure sans trop s’inquiéter de son désordre, s’enveloppa de sa mantille, et vint avec une confiance ingénue se mêler à la conversation.

« Seigneur comte, dit-elle, c’est trop de bontés ; mais je n’aurai pas l’impertinence d’en profiter. Je ne veux pas