Page:Sand - Constance Verrier.djvu/96

Cette page n’a pas encore été corrigée

fière d’être appelée madame : une table rase, en un mot.

« Les chiffons, les voitures, les diamants, les armoiries remplirent ma cervelle et mes journées pendant deux mois. Après quoi, on me couvrit de perles et de guipures, et l’on m’ordonna de répondre oui à tout ce que me demanderaient M. le maire et M. le curé. Je répondis oui sans émotion ; je n’avais pas écouté les demandes.

« Ne croyez pas cependant que je fusse une créature stupide. J’avais ma petite critique intérieure sur toutes ces choses auxquelles j’appartenais, et je sentais bien qu’elles eussent plutôt dû m’appartenir ; que le cadre est fait pour le tableau et non le tableau pour le cadre ; mais, avec l’esprit de mon père, j’avais hérité de son horreur pour la lutte ; le seul précepte qu’il m’eût donné, — mais il me l’avait donné à propos de tout et dix fois par jour, — était : Tâchons d’avoir la paix ! — et quand il était un peu en colère, il disait cavalièrement, mais avec une grâce charmante : Tâchons qu’on nous flanque la paix ! — Il n’alla jamais plus loin dans son courroux, et la docilité extérieure, avec ou sans conviction, passa dans mon sang à l’état chronique.

« Huit jours après mon mariage, je fus fort étonnée de m’éveiller, un beau matin, avec je ne sais quelle flamme dans le cœur. Ma nonchalance en fut comme éblouie. J’étais ravie et troublée en même temps. J’éprouvais de la honte et de la joie. Le cher duc