Page:Sand - Constance Verrier.djvu/88

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Si fait, répondit l’artiste. Je ne peux pas vous dire combien de fois j’ai essayé ou espéré d’aimer depuis que je me suis rangée. Ce serait toujours la même histoire, et une galerie de portraits parfaitement inutile. Je ne vous ai pas décrit les sottes ou folles figures qui ont rempli de leur présence mes années de fièvre : je ne veux pas vous décrire davantage les froides et trompeuses physionomies de la nouvelle période. J’ai changé du jour au lendemain toutes mes habitudes. J’ai compté les heures du jour, refusant à la promenade ou à la sieste celles qui devaient être consacrées au travail. J’ai cessé de me mettre inutilement en vue, j’ai réservé tous mes effets pour mon art. J’ai rompu avec le paradoxe, je me suis intéressée aux choses générales, à la vie publique, aux malheurs de mon pays. J’ai été voir mon père qui s’était laissé combler de mes dons, et qui a bien voulu m’en remercier. J’ai consigné à la porte tous les aventuriers de l’amour. J’ai donné, par la régularité de ma conduite, des garanties à l’opinion. J’ai fait beaucoup de charités et rendu beaucoup de services, j’ai appris la musique gratis à de pauvres petites filles, j’ai chanté pour tous les proscrits. J’ai recherché partout les érudits, et j’ai acheté un perroquet dont je m’occupe beaucoup. J’ai acquis des notions en archéologie et en histoire, j’ai pris intérêt aux fouilles de Portici, j’ai reçu des gens qui passaient pour sérieux, je n’ai pas joué à la loterie des capitaux, j’ai fait deux ans d’économies et j’ai acheté à Nice une