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et le désordre entra dans ma vie. Oui, je suis ici pour tout dire, je menai pendant plusieurs années, à Venise, à Milan et à Vienne, une existence déplorable. Toujours orgueilleuse et désintéressée, je ne calculai rien que la satisfaction de triompher de mes rivales ou de me venger de leurs dédains. À peine satisfaite sur ce point, je sentais le remords et le chagrin atroces d’appartenir à des liens où mon cœur ne trouvait aucune joie véritable, et, tout aussitôt, je subissais le besoin impérieux de les rompre.

« Je me rejetais alors dans l’étourdissement d’une activité délirante. Soupers prolongés jusqu’au jour, courses folles et périlleuses par tous les temps et tous les chemins, avec des compagnons de plaisir excités comme moi-même, et qui, cependant, reculaient quelquefois devant mes défis insensés, cavalcades ou régates échevelées, excentricités innocentes par elles-mêmes, mais qui faisaient scandale par le mépris de la vie qu’elles révélaient aux gens paisibles et religieux : j’essayai de toutes ces émotions et de toutes ces fatigues pour échapper au besoin d’aimer qui me poursuivait, et dont je n’embrassais que le rêve de plus en plus éphémère et trompeur.

« Nécessairement, ma santé souffrit d’un pareil régime, et, pendant quelque temps, on me crut frappée à mort. Cela décupla mes succès. Allons vite l’entendre, se disait-on, c’est peut-être la dernière fois qu’elle chantera. Le fait est que je toussais à rendre l’âme, et je chantais quand même, non plus avec la suavité de