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famille. Il ne s’en présenta que de laids ou de tarés, dont l’argent ou l’esprit ne me tenta point. Ceux qui eussent pu me plaire ne se trouvaient pas dans une position assez indépendante pour que la délicatesse et la fierté me permissent de les écouter. J’étais scrupuleuse et difficile à l’excès ; ma vertu me portait au cerveau, je dois le dire.

« Si bien qu’après avoir repoussé des offres que la froide raison eût accueillies sans objection, je pris le plus mauvais parti possible ; ou plutôt, je ne pris aucun parti. La jeunesse, c’est-à-dire le besoin d’aimer et de croire, recommença à me parler, et même avec plus d’énergie qu’elle ne l’avait encore fait. Le repos du cœur m’avait comme renouvelée ; et, fière d’avoir échappé à la corruption, je me fis, de l’amour qui m’était dû, une trop haute idée.

« Chaque jour grandissait mon secret orgueil et mon besoin de le satisfaire. Je découvrais en moi des puissances que mes deux premiers amours, le premier tout d’instinct, le second tout d’amitié, n’avaient pu développer, et l’avenir, l’amour attendu et rêvé, s’annonçait avec les ardeurs de la passion dévorante.

« Il y eut combat quelque temps entre ces élans de fièvre et mon ambition de bonne renommée. La vertu a de grandes douceurs ; mais, chez une femme libre et jeune, elle ne marche pas sans l’espoir d’une récompense, et la mienne ne se présentant pas sous la forme d’un brillant mariage d’inclination, je mis cette