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trop vite ; il perdit l’équilibre et tomba pour ne plus se relever.

« Je l’aimai mort plus que je ne l’avais aimé vivant. Ses généreuses qualités, sa loyale affection, sa probité incontestable, qui avaient résisté à une éducation de hasards et d’aventures, m’apparurent dans tout leur mérite quand je me trouvai seule dans la vie, au milieu de gens qui ne le valaient pas, et en présence de mes autres souvenirs flétris par la trahison.

« Sa mort fut un événement dans la ville et dans le pays. On lui fit des obsèques honorables, et nombre de personnes éminentes ou distinguées voulurent y assister. Les journaux de la localité lui payèrent un tribut mérité d’éloges et de regrets. Tout cela le relevait dans mon cœur, et je sentis que je perdais une affection que je ne remplacerais point.

« Le séjour de Vérone m’était devenu insupportable. Je partis pour Venise, où j’eus de véritables triomphes. Une douleur sincère avait ouvert mon âme à l’émotion sérieuse et profonde. Mon talent était loin d’être irréprochable ; mais j’étais dramatique et je faisais pleurer.

« Je portai véritablement le deuil dans mon cœur et dans ma conduite pendant plusieurs mois. Ma réputation de labeur et d’austérité fut bientôt établie, et les salons les plus distingués me recherchèrent. J’avais des soirées et des élèves dans les meilleures familles, et ma position devenait aisée en même temps qu’honorable.