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« Après la promenade, il prenait avec moi son repas du soir, s’enfermait ensuite dans son cabinet pour travailler à une espèce d’ouvrage scientifique qu’il refusait de me faire lire, disant que j’étais trop jeune, et il partait avant mon réveil du lendemain.

« J’étais parfaitement heureuse, et, chose horrible à dire, jamais je ne me suis retrouvée dans les conditions d’une félicité si pure et si complète. Les premières révélations de mon éducation, bientôt suivies de notions plus étendues, m’ouvraient l’intelligence et le cœur à des joies dont je n’avais pas soupçonné l’existence. Tout m’apparaissait comme dans la riante lumière du matin, tout se déroulait devant moi avec la majestueuse rapidité d’un lever de rideau sur une scène splendide. Chaque jour, chaque instant était une initiation. La littérature et la musique m’ouvraient des perspectives radieuses où je m’élançais comme un enfant conduit par un bon génie dans un jardin magique.

« En même temps que mon esprit ouvrait ses ailes, mon cœur, ma raison, ma conscience, oserai-je dire, hélas ! ma religion, s’épanouissaient en moi comme les fleurs du ciel sur un sol béni. Je me sentais faite pour aimer le beau et le bien, et, en apprenant à les connaître, j’étais effrayée d’avoir passé à côté des abîmes du désordre et du vice.

« Quelquefois, j’en étais affectée au point de pleurer amèrement la souillure d’une première faute, et de dire à mon bienfaiteur que je ne me la pardon-