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inquiète. Probablement la vieille avait fait quelque bévue, et ce n’était pas là que je devais loger. Je me levai, je m’assurai que ce n’était pas la chambre du maître de la maison, j’examinai les appartements, le mobilier et le jardin. Tout était petit et magnifique : une vue délicieuse, des bosquets de cistes et de citronniers en fleurs, un isolement complet, quelque chose de splendide et de mystérieux à la fois.

« Je n’avais jamais rien vu d’aussi beau à ma disposition, et je n’avais pas eu l’idée d’un tel bien-être. Il me venait des pensées de bonheur et d’innocence. La solitude ne m’effrayait pas. Si, avec tout cela, me disais-je, je pouvais apprendre à chanter, car il me semble qu’ici j’aurai bien du temps de reste, rien ne me manquerait au monde, et je ne regretterais pas l’amour, qui n’est qu’un mensonge et une déception.

« Je me disais cela à ma manière, car je n’avais aucune culture d’esprit, et tout chez moi était instinct vague. Je savais lire et écrire incorrectement. Je parlais mal l’italien, n’ayant parlé que le patois dans ma montagne. Toute mon éducation s’était faite depuis trois mois en écorchant le français avec mon amant, et en fréquentant le théâtre, que j’adorais. J’avais une mémoire musicale extraordinaire, et quand je rentrais, je chantais en riant toutes les parties de l’opéra, musique et paroles. Ma voix, qui était fraîche et souple, me transportait dans un monde de rêveries où je ne distinguais rien de net, mais où je me plaisais tant,