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« Retourner chez mon père était impossible, il m’eût tuée. Il n’avait pas cherché à me revoir. Il avait pris chez lui une maîtresse qui ne m’eût pas cédé la place. Je le savais trop pauvre pour m’assister. J’étais persuadée que mon séducteur m’enverrait de l’argent, mais je ne voulais à aucun prix l’accepter, et la première résolution nette qui me vint fut de lui écrire pour lui signifier que je ne voulais rien et que je n’avais besoin de rien. C’est ce que je fis en effet, dès le lendemain.

« Quand j’eus arrêté dans ma tête cet acte de fierté, je me demandai de quoi j’allais vivre. Je n’avais qu’un parti à prendre, c’était de me faire servante, car je ne voulais garder de mon passé que les habits que j’avais sur le corps, jusqu’à ce que je pusse les échanger contre des vêtements conformes à ma véritable position. Tout cet orgueil qui me venait au cœur me donna une grande force et une singulière confiance en Dieu. Bah ! m’écriai-je tout d’un coup, en parlant haut sous les voûtes sonores de la terrasse, la madone n’abandonnera pas ici une pauvre fille de quinze ans, qui ne sait pas seulement si elle aura un morceau de pain aujourd’hui !

« Je ne me trompais pas. Je ne devais pas être abandonnée. Seulement, ce n’est pas la madone qui intervient en pareille affaire. La Providence, qui veille sur les jeunes filles, et qui fait qu’une jolie enfant ne reste pas un jour entier sans pain, c’est le vice qui la guette, la suit et l’écoute.