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— Est-ce que réellement vous passiez ainsi la Magra ?

— Dès l’âge le plus tendre, répondit Sofia avec une gaieté amère.

— Eh bien, alors, reprit la duchesse, si vous n’aviez pas d’autre moyen de renoncer à cet état de naïade… vous avez manqué à la chasteté pour sauvegarder la pudeur ?

La cantatrice était habituée au ton railleur de madame d’Évereux ; elle la savait bonne au fond, sous son apparente sécheresse. Elle continua sans se troubler :

« Mon premier ami fut un beau peintre barbu et chevelu, que j’aimai à première vue et qui me persuada en peu de paroles. J’étais si enfant que je crus à un amour éternel. Il me disait que j’étais si jolie ! et moi, j’avais tant d’expérience et de raison que je n’en demandais pas davantage pour m’imaginer qu’il ne me quitterait jamais pour une moins belle.

« C’est pourtant ce qui arriva. Après m’avoir, pendant deux mois, comblée de petits présents, de bonne chère et de belles promenades en Piémont, il me tint à peu près ce langage : « Ma chère enfant, je suis forcé de te dire adieu. Je suis un fils de famille. J’ai des parents dans le commerce à Marseille, et une cousine fort laide que j’ai promis d’épouser parce qu’elle est très-riche. J’avais seulement demandé à mes parents de me laisser passer un an en Italie pour mon plaisir, avant de me mettre la corde au cou. La