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place et tu ne pourrais la perdre qu’en te dégradant toi-même par une faute. Eh bien ! Constance, réfléchis à ma situation vis-à-vis de toi ! Je me suis dit : Je vais entrer dans le mariage avec une tache que ma femme voit et accepte. Me voilà son inférieur, à ses yeux comme aux miens. Si je n’eusse fait ma fortune moi-même, elle pourrait m’accuser d’une honteuse spéculation. Peut-être, au lieu d’oublier, se souviendra-t-elle chaque jour davantage. Peut-être arrivera-t-elle à me mépriser pour avoir accepté le rôle que je joue, et à s’entendre dire qu’elle est autorisée à me tromper pour me punir de l’avoir trompée le premier.

— Non ! dit Constance offensée, tu ne t’es pas dit tout cela en pensant à moi !

— J’ai voulu me le dire comme tout homme raisonnable se le fût dit à ma place. J’ai voulu supposer le possible jusqu’au delà de ses limites ; ce qu’il en reste d’acceptable est bien assez terrible, car il est certain que, dès le premier jour de notre union, une partie de ce que j’ai prévu et bravé se réalise. Tu ne retrouves pas la passion dans ton cœur. La pitié fait aujourd’hui tout ton amour, et mes caresses t’épouvantent jusqu’au froid de la mort ! Ta sainte pudeur n’eût pas rougi dans les bras d’un homme pur. Elle se révolte, elle t’étouffe, elle t’étrangle la respiration en sentant venir à elle l’homme qui a connu d’autres plaisirs et à qui tu crois n’avoir rien de nouveau à faire éprouver. Ton imagination, amèrement frappée, croit voir autour de nous les spectres de tes rivales, et tu es humiliée de faire le plus grand sacrifice qu’une