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d’autres mains que les siennes, et ne laissant pas une parole arriver librement à ses oreilles. Raoul eût bien su déjouer ce zèle, qui lui semblait mal entendu ; mais Constance paraissait être complice de sa propre captivité morale, et le parti pris de ne pas le laisser se disculper faisait quelquefois au malheureux jeune homme l’effet d’un outrage. Avoir été un idéal, un dieu, dans la pensée d’une femme aimée, et n’être plus devant elle qu’un coupable réduit au silence, ou un assassin à qui l’on demande de ne pas porter le dernier coup, c’est une déchéance à laquelle le juste orgueil de Raoul ne pouvait se soumettre. Il tombait malade lui-même, la fièvre le minait, et sa fierté se refusait à la plainte. Il se disait bien portant ; mais l’altération de ses traits fut bientôt remarquée, et Constance s’en émut.

— Il en mourra aussi, dit-elle à sa tante, et ce sera ma faute ! Dieu sait pourtant que je fais de grands efforts pour oublier ! Mais apparemment il faut faire plus que cela ; il faut accepter. Hélas ! je n’aurais pas voulu mentir, moi ! J’espérais que, la santé revenue, je pourrais lui dire, en toute sincérité : « Je t’aime autant que s’il ne s’était rien passé. » Je sens que ce n’est pas encore vrai ! mais il souffre, vois-tu, il dépérit à son tour, pendant que je renais. Ce qui me sauve le tue. Il ne sait plus attendre, prier et compter sur l’aide de Dieu. Les femmes qu’il a aimées lui ont désappris tout cela. Il faut le tromper, ma tante ; il faut que je fasse pour lui ce qu’il a consenti à faire pour moi : un mensonge !