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Sofia me cherchait dans le jardin. Ce qu’ils se sont dit n’a pas duré cinq minutes ; mais c’était la confirmation, la preuve de tout ce qui avait été raconté sans réticences par la Mozzelli, à mots couverts par la duchesse. La Mozzelli est revenue près d’eux, disant qu’elle ne me trouvait pas, et la duchesse est partie en lui répondant : Elle se sera en allée ; c’est ce qu’elle avait de mieux à faire ! — Ah ! oui, elle avait bien raison, c’est ce que j’aurais dû faire ! mais je ne pouvais pas. Je sentais mes jambes roides comme si elles eussent été mortes. Je me suis traînée jusqu’au berceau. Je ne voulais plus écouter, mais je ne pouvais pas m’éloigner davantage. Je ne voyais presque plus clair. Je ne sais pas combien de temps je suis restée assise sur le banc. J’entendais, comme dans un rêve, la voix de la Mozzelli qui s’emportait, et celle d’Abel qui semblait plus tranquille. Je me sentais si faible que j’ai essayé de cueillir une poignée de sauge que j’avais remarquée auprès du banc et que j’ai respirée pour me faire revenir. Mais je n’avais plus d’odorat. Et puis, je suis devenue sourde et tout à fait aveugle. Je me suis dit : Il faut secouer cela ; il ne faut pas mourir ici. Je me suis levée, la vie me revenait. J’ai revu le ciel, la lune sur les fleurs. J’ai entendu la mer. Je me suis trouvée heureuse comme quelqu’un qui va mourir et qui voit Dieu. Et puis j’ai senti que je tombais en arrière, et j’ai pensé à toi, ma tante ! Je t’ai dit : Adieu, tante, je meurs ; ce n’est pas ma faute, va !