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n’abandonnera Constance ; mais, encore une fois, permettez-moi de vous parler de vous et de moi.

— Attendez ! reprit la Mozzelli en l’examinant d’un œil méfiant et scrutateur : vous connaissez Abel, vous êtes dans la confidence de ses relations avec mademoiselle Constance Verrier ? vous connaissez peut-être Constance elle-même ? et, en me voyant ouvrir la grille du jardin, vous ne me l’avez pas nommée, vous n’avez pas couru ensuite après elle pour lui parler… Tout cela est singulier !

— Je vais me rendre chez elle ; mais, avant de vous faire mes adieux, je veux avoir une explication avec vous.

— Vos adieux ! vous me quittez ! s’écria la Mozzelli, ramenée à un nouveau sujet d’effroi ; vous savez, à présent, que je suis là ; vous voyez que je vous aime plus que jamais, et vous partez ?

— Écoutez, ma chère Sofia, dit Raoul en s’asseyant et en lui prenant les deux mains, je vous ai aimée, je ne pourrais pas le nier sans me mentir à moi-même ; pourtant, quand on m’a présenté à vous, j’étais à cent lieues de me croire épris de vous. Je suis sensible aux arts, j’adore la musique, le théâtre m’impressionne encore ; tout cela parce que j’ai une vie active et froide, absorbée par les affaires et tendue vers un but positif. J’avais donc été, en vous écoutant, transporté dans ce monde de l’émotion où je suis rarement libre de pénétrer ; j’admirais en vous une artiste inspirée, je n’avais pas songé à la femme.