Page:Sand - Constance Verrier.djvu/167

Cette page n’a pas encore été corrigée

quel vertige me prit. Je lui avouai que je l’attendais.

— C’était spontané ! dit la duchesse.

— C’était absurde. Il eût dû me prendre pour une femme galante ! Mais savez-vous pourquoi je l’aime tant ? c’est parce que tout ce qui eût dû me perdre dans son esprit est précisément ce qui l’a charmé, et c’est pourtant un être pur et de mœurs austères, je le sais maintenant. Mais, que voulez-vous ? il a une grande intelligence, une raison supérieure à celle de tous les hommes. Il devine tout, il comprend tout ; il lit dans les âmes comme dans une source.

« Il comprit donc que ce n’était pas de l’effronterie qui me poussait dans ses bras, mais un invincible attrait, une sympathie exceptionnelle ; et quand je lui demandai, le lendemain, ce qu’il avait pensé de moi, il me dit : Je n’ai rien pensé du tout, j’ai pensé que vous étiez sincère. »

— Voilà qui est charmant, dit la duchesse, et vous me le faites aimer, cet excellent jeune homme !

— Pourquoi railler ? dit Constance, qui écoutait la Sofia avec indulgence ; il savait bien que cette brave fille vivait sagement, et il pouvait être aussi fier que touché de sa franchise.

— Oui ! voilà justement ce qu’il m’a dit aussi, lui ! reprit la cantatrice. Il n’y eut entre nous rien de ce qui déflore la première émotion : ni coquetterie de ma part, ni rouerie, ni emphase de la sienne ; ni conditions, ni ruses, ni méfiance, ni réserves entre nous. Je ne sais pas s’il m’a dit qu’il m’aimait, ni s’il m’a de-