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— Alors, parlez-nous de lui à cœur ouvert, dit madame d’Évereux, ça vous soulagera. Dites-nous qu’il vous aime à l’adoration, ça vous convaincra vous-même tout en nous charmant.

La Mozzelli crut voir une imperceptible ironie dans le ton affectueux de la duchesse, et, bien qu’elle ne se sentît plus disposée à l’abandon en sa présence, elle s’y livra par orgueil.

Elle avait bien, comme dit le Ruzzante, « un cœur qui lui disait fais-le, et un autre cœur qui lui disait ne le fais pas. » Mais elle céda au cœur qui la conseillait mal, c’est-à-dire à un peu plus de vanité et de dépit que de véritable expansion.

« Je vous disais donc, Constance, reprit-elle, et à vous aussi, madame la duchesse, puisque vous étiez là, que je l’ai aimé à première vue. Je venais de chanter Adalgise, dans la Norma, quand un de mes amis me le présenta dans ma loge. J’avais très-bien chanté et très-bien joué, je dois le dire ; j’étais contente de moi, et, quand cela m’arrive, il est rare que je sois contente des autres. Les compliments d’amateurs à un artiste qui vient d’être aux prises avec la véritable inspiration lui font souvent l’effet de glace jetée au travers du feu. On nous loue pour ce que nous apprécions le moins, et on n’a pas senti ce qui nous a le plus transporté. Eh bien, ce jeune homme… donnons-lui un nom, car ça me gêne pour raconter ! »

— Mettons qu’il s’appelle Melvil, dit la duchesse.

— Ce n’est pas un Anglais ! reprit la Sofia.