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pour elle, mais que son cœur pressent ou devine,

« Mon amour à moi, un amour immense, immortel comme l’âme que j’ai reçue de Dieu, mais endormi encore dans l’ignorance de lui-même, s’éveilla donc dans les pleurs, au bord d’une tombe où dormait tout ce que j’avais chéri et connu sur la terre. Quelle source plus pure, quel pacte plus sérieux et plus inattaquable ! Il me sembla que l’esprit de mon père passait dans celui de mon fiancé, et que j’aimais en lui deux âmes sœurs l’une de l’autre. Il n’y eut ni incertitude, ni examen, ni réserve dans l’union solennelle de nos volontés. Abel devint tout pour moi comme j’étais déjà tout pour lui, car il me raconta combien et comment il m’aimait depuis six ans. Mais… »

— Oh ! racontez-le-moi, dit la Mozzelli, puisque vous avez commencé !

— Mon intention, reprit Constance, n’était pas de vous raconter une histoire aussi simple et aussi dépourvue de faits que la mienne. Si je la continue, c’est pour vous dire comment j’entends le véritable amour.

« Il m’avait aimée dès le jour de son entrée dans notre maison. Nous étions alors deux enfants, moi très-raisonnable, lui très-timide. Mon père, qui avait une grande affection pour le sien, me l’avait présenté en me recommandant de lui être bonne et de le mettre à l’aise. Je n’avais rien trouvé de mieux, dans ma sagesse, que de lui enseigner les échecs, le soir, pendant notre heure de récréation. Mon père et ma tante, nous