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attente, peu importe. Il aura travaillé, il se sera fait connaître et estimer. Pauvre malgré ses efforts et sa vertu, il sera encore digne de toi, et vous serez assez riches si vous vous aimez beaucoup.

« Mon père ne me consulta pas autrement, et mon âme croyante accepta ce que la sienne me dictait avec conviction.

« Il nous quitta avec une sérénité extraordinaire, certain qu’il était d’aller rejoindre l’âme de sa chère et digne femme, partie dix ans avant lui, et tranquille sur mon avenir, qu’il avait béni et préparé.

« Je restai seule au monde avec ma vieille tante et ce jeune frère adoptif, en qui je devais voir le futur compagnon de ma vie. Par l’ordre de mon père, il devait passer auprès de nous le temps nécessaire pour nous mettre au courant de noire situation : un mois au plus, car cette situation était claire et pure de toute obligation non remplie.

« Je connaissais mon fiancé comme s’il eût été mon frère. Depuis l’âge de seize ans, — il avait fait ses études premières avec une rapidité inouïe, — il travaillait avec mon père et demeurait dans notre maison. Je savais donc pouvoir placer en lui ma confiance absolue. C’est un beau point de départ pour l’amour qu’une estime ainsi établie sur une sécurité complète.

« Je n’avais pas ressenti une vive surprise en apprenant la volonté de mon père. Si je m’étais étonnée de quelque chose, c’est que je n’eusse jamais songé à ce qu’il m’apprenait des sentiments de ce jeune homme.