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plus positif. Cela tient à des préoccupations fatales que ramènent souvent, dans l’histoire, la transition des croyances et l’incertitude des événements. Mon père, qui était un homme clairvoyant et calme, m’avait prédit cette crise et ses progrès. Mais il avait un grand cœur, et il m’enseignait à protester intérieurement, sans tomber dans la haine de mon époque, ce qui est une maladie aussi, soyez-en sûre. Je ne saurais mieux faire que de vous répéter ses paroles. Ce sera mon histoire aussi, à moi !

« Laborieux, habile, probe et sensible, il s’exprimait très-simplement, mais avec une conviction qui s’imposait par la douceur. Il est bon, me disait-il, qu’il y ait dans la vie d’une âme honnête et généreuse des moments d’indignation et même de colère contre le mal. Il lui est permis aussi d’avoir des heures de dégoût et de chagrin profond ; mais il faut se garder de ces émotions prolongées et tendues, où l’excès de nos bons mouvements nous porterait à l’orgueil et au dédain. Il faut que la charité domine tout et guérisse nos blessures par l’espoir généreux de guérir celles des autres.

« Il n’y a que très-peu de mauvais cœurs pris en détail, et beaucoup de mauvaises choses, de déplorables tendances, résultat d’un ensemble troublé et désuni. Le monde moral a, comme le monde sidéral, ses défaillances de lumière. Haïr ses semblables parce qu’ils ne voient pas clair est une injustice dont la vraie bonté n’est pas longtemps capable.