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fallu sacrifier de riantes chimères et renoncer à rencontrer des hommes parfaits dans la vie ; mais je convins aussi de l’effet salutaire de mon désenchantement. Je ne haïssais plus le duc, il n’était plus à mes yeux un ingrat, un despote, un fléau ; c’était un homme comme les autres, ou tout au moins comme la plupart des autres, et même infiniment meilleur que beaucoup de ceux qui composent cette majorité d’emportés, de blasés ou de curieux.

« L’égoïsme était la loi du monde, je le voyais bien et je la subissais aussi, moi qui ne me réjouissais pas du plaisir que mon mari goûtait dans les bras d’une autre. Si j’avais été dévouée dans toute l’acception du mot, je n’aurais pas souffert de son infidélité ; or, ne pouvant me flatter de vaincre en moi la nature au point de chérir la belle personne qui le rendait heureux, je devais prendre mon parti, tuer dans mon cœur un amour inutile et importun, rendre justice aux bonnes qualités de M. le duc, me contenter de son amitié et m’abstenir de tout reproche qui eût amené la discorde dans notre intérieur.

« — Vous voilà enfin dans le vrai, s’écria un jour ma marraine enchantée ; je savais bien que, dans un bon esprit comme le vôtre, les idées saines prendraient le dessus. Si vous eussiez suivi la mauvaise pente du roman, vous étiez perdue, vous querelliez le duc, vous le forciez de quitter sa maison, vous cherchiez la vengeance, vous vous jetiez dans le scandale des procès ou dans les bras d’un exalté qui vous compro-