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— Vous admettez qu’une femme peut être constamment raisonnable, et que par conséquent elle a le droit de se dégager de toute contrainte ?

— J’admets qu’une femme puisse être raisonnable, parce que je l’ai toujours été, sans grand effort et sans grand mérite. Quant à l’indépendance à laquelle elle a droit dans ce cas-là, sans être une libre penseuse bien prononcée, je la regarde comme le privilège d’une raison parfaite et bien prouvée.

— Et vous pensez qu’à seize ans Césarine est déjà cette merveille de sagesse et de prudence qui ne doit obéir qu’à elle-même ?

— Nous travaillons à ce qu’elle le devienne. Puisque sa passion est de ne pas obéir et de ne jamais céder, encourageons sa raison et ne brisons pas sa volonté. Ne sévissez, monsieur Dietrich, que le jour où vous verrez une fantaisie blâmable.

— Vous trouvez rassurante cette irrésolution qu’elle vous a confiée, cette prétendue ignorance de ses goûts et de ses désirs ?

— Je la crois sincère.

— Prenez garde, mademoiselle de Nermont ! vous êtes charmée, fascinée ; vous augmenterez son esprit de domination en le subissant.

Il protestait en vain. Il le subissait, lui, et bien plus que moi. La supériorité de sa fille, en se révélant de plus en plus, lui créait une étrange situation ; elle flattait son orgueil et froissait son amour-propre. Il eût préféré Césarine impérieuse avec les autres, soumise à lui seul.