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Nous passâmes huit mois à la campagne dans un véritable Éden et dans une solitude qu’interrompaient peu agréablement de rares visites de cérémonie. M. Dietrich se passionnait pour l’agriculture, et peu à peu il ne se montra plus qu’aux repas. Mademoiselle Helmina Dietrich était absorbée par les soins du ménage. Césarine était donc condamnée à vivre entre deux vieilles filles, l’une très-gaie (Helmina aimait à être taquinée par sa nièce, qui la traitait amicalement comme une enfant), mais sans influence aucune sur elle ; l’autre, sérieuse, mais irrésolue et inquiète encore. J’avoue que je n’osais rien, craignant d’irriter secrètement un amour-propre que la lutte eût exaspéré. Nous revînmes à Paris au milieu de l’hiver. Césarine, qui n’avait pas marqué le moindre dépit de rester si longtemps à la campagne, ne fit pas paraître toute sa joie de revoir Paris, sa chère maison et ses anciennes connaissances ; mais je vis bien que son père avait raison de penser qu’elle aimait le monde. Sa santé, qui n’avait pas été brillante depuis la mort de sa mère, prit le dessus rapidement dès qu’on put lui procurer quelques distractions.

Cette victoire, qui fût définitive dans son équilibre physique, la rendit en peu de temps si belle, si séduisante d’aspect et de manières, qu’à seize ans elle avait déjà tout le prestige d’une femme faite. Son intelligence progressa dans la même proportion. Je la voyais éclore presque instantanément. Elle devinait ce qu’elle n’avait pas le temps d’apprendre ; les arts et la littérature se révélaient à elle comme par