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Elle était si tranquille, si dégagée, que j’eus peine à cacher ma surprise.

— Prends ton ouvrage, si tu veux, ajouta-t-elle, tu n’aimes pas à rester sans rien faire. Mon père était en train de nous raconter la séance de la chambre.

M. Dietrich continua de parler politique au marquis, voulant peut-être s’assurer de la lucidité de son esprit, mais procédant avec lui comme s’il n’en eût jamais douté. Je vis que c’était une cure consciencieusement entreprise. Le marquis écoutait avec une sorte d’effort, mais répondait à propos. De temps en temps il paraissait éprouver quelque anxiété en regardant la pendule. Le malheureux, depuis qu’il se savait réputé fou, semblait avoir conscience de son mal et en redouter l’approche.

Il s’observa sans doute beaucoup, car il triompha de l’heure fatale, et arriva jusqu’à près de dix heures sans perdre sa présence d’esprit et sans paraître souffrir. Alors il tomba dans une sorte d’abattement méditatif, répondit de moins en moins aux paroles qu’on lui adressait, et finit par ne plus répondre du tout.

— Je vois que vous souffrez beaucoup, lui dit Césarine ; vous allez vous coucher, nous resterons au salon jusqu’à ce que vous dormiez. Nous jouerons aux échecs, mon père et moi. Si vous ne dormez pas, vous viendrez nous trouver.

Il répondit par un vague sourire, sans qu’on sût s’il avait bien compris. Dubois l’emmena. M. Dietrich se glissa dans une pièce voisine de la chambre à coucher de son gendre ; il voulait écouter et observer les