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tenait à l’incertitude où flotte une vive intelligence en voie d’éclosion trop rapide, ou bien simplement au besoin de prendre le contre-pied de ce qu’on voulait lui persuader. Cette grande logique qu’elle portait dans l’étude disparaissait de son caractère dans l’application. Elle avait des goûts qui se contrariaient sans l’étonner.

— Je veux m’arranger, disait-elle alors, pour vivre en bonne intelligence avec les extrêmes que je porte en moi. J’aime l’éclat et l’ombre, le silence et le bruit. Il me semble qu’on est heureux quand on peut faire bon ménage avec les contrastes.

— Oui, lui disais-je, c’est possible dans certains cas ; mais il y a le grand, l’éternel contraste du mal et du bien, qui ne se logeront jamais dans le même cœur sans que l’un étouffe l’autre.

— Je vous répondrai, reprenait-elle, quand je saurai ce que cela veut dire. Vous me permettrez, à l’âge que j’ai de ne pas savoir encore ce que c’est que le mal.

Et elle s’arrangeait pour ne pas paraître le savoir. Si je surprenais en elle un mouvement d’égoïsme et de cruauté, comme dans l’histoire du petit oiseau, sa figure exprimait un étonnement candide.

— Je n’avais pas songé à cela, disait-elle.

Mais jamais elle ne s’avouait coupable ni résolue à ne plus l’être. Elle promettait d’y réfléchir, d’examiner, de se faire une opinion. Elle ne croyait pas qu’on eût le droit de lui en demander davantage, et protestait assez habilement contre les convictions imposées.