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transports. C’est assez souffrir, vous ne me ferez plus de mal. Puissiez-vous oublier celui que vous m’avez fait et n’en jamais apprécier l’étendue, car vous auriez trop de remords ! Je vous les épargne, ces reproches, car, aliéné ou non, je me sens calme en ce moment comme si j’étais mort. Adieu. Si j’étais vindicatif, je serais content de penser que votre passion du moment est de réduire un autre homme que vous ne réduirez pas. Il vous préférera toujours sa femme. Je l’ai vu tantôt, je sais ce qu’il pense et ce qu’il vaut. Vous souffrirez dans votre orgueil, car il est plus fort de sa vertu que vous de votre ambition ; mais je ne suis pas inquiet de votre avenir ; vous chercherez d’autres victimes, et vous en trouverez. D’ailleurs ceux qui n’aiment pas résistent à toutes les déceptions. Soyez donc heureuse à votre manière ; moi, je vais oublier la funeste passion qui a troublé ma raison et avili mon existence.

J’étais entrée chez Césarine dès les premiers mots du marquis. Il se dirigea vers moi, prit ma main qu’il porta à ses lèvres sans me rien dire, et sortit sans se retourner.

Inquiète, je voulais le suivre.

— Laissons-le partir, dit Césarine en faisant signe à Bertrand, qui se tenait dans l’antichambre et qui suivit le marquis. Il se rend justice à lui-même. Ses reproches sont injustes et cruels, mais je n’y veux pas répondre. À la moindre excuse, à la moindre consolation que je lui donnerais, il me reparlerait de ses droits et de ses espérances. Laissons-le rompre tout seul ce lien odieux.