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— C’est l’abnégation.

— Qu’est-donc que ma vie alors ? Je croyais n’avoir pas fait autre chose que de sacrifier tous mes premiers mouvements…

— À quoi ? À la volonté de réussir en vue de toi-même. La volonté d’échouer pour qu’un autre triomphe, tu ne l’auras jamais. Cela est bien plus au-dessus de toi que de Marguerite.

— Tu vas faire d’elle une martyre, une sainte ? Nouveau point de vue !

— Ce qu’elle vient de faire en te priant de lui garder son mari tous les soirs, aux heures où elle s’inquiète et s’ennuie, est déjà assez généreux. Tu ne daignes pas y prendre garde, moi j’en suis frappée.

— Il n’y a pas de quoi ; Paul s’ennuie avec elle, elle l’a dit ; elle a peur qu’il ne s’ennuie trop et ne cherche quelque distraction moins noble que ma conversation.

— Tu cherches à la rabaisser ; tu es peut-être plus jalouse d’elle qu’elle ne l’est de toi.

— Jalouse, moi, de cette créature ?

— Tu la hais, puisque tu l’injuries.

— Je ne peux pas la haïr, je la dédaigne.

— Et toute cette bonté que tu dépenses pour la charmer et la soumettre, c’est l’hypocrisie de ton instinct dominateur.

— La pitié s’allie fort bien avec le dédain, elle ne peut même s’allier qu’avec lui. La souffrance noble inspire le respect. La pitié est l’aumône qu’on fait aux coupables ou aux faibles.