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tu ne comprends rien ni à l’amour, ni au devoir, ni à la famille. N’ayant jamais été aimée, tu as cru que toute la vertu consistait à n’aimer point ; tu t’en es tirée avec dignité, je le reconnais ; tu n’as donné à personne le droit de te trouver ridicule ; c’est tout ce que tu pouvais faire. Quant à la science du cœur humain, tu ne pouvais pas l’acquérir, n’ayant pas l’occasion de l’étudier sur toi-même. Tu as pris tes notions dans les idées sociales, c’est-à-dire dans le code du convenu. Tu ne peux pas voir par-dessus ces vaines barrières, tu n’es pas assez grande ! Il te semble que ce qui est arrangé est sacré, que je dois à l’homme à qui j’ai juré fidélité mon âme tout entière, de même que Paul, selon toi, doit tout son cœur, toute sa pensée à Marguerite. Eh bien ! cela est faux, paradoxal, illusoire, impossible. C’est la convention hypocrite du monde qui dit ces choses-là et ne les pense pas. On ne me trompe pas, moi ! J’ai très-bien compris qu’en m’engageant à M. de Rivonnière, dont je ne veux pas être la femme, j’avais fait vœu de chasteté, parce que je ne dois pas le forcer à donner son nom aux enfants d’un autre. Il l’a compris aussi, puisqu’en s’engageant sur l’honneur à me respecter, il a fait acte de confiance absolue dans ma loyauté. Paul n’a pas non plus trompé Marguerite, bien que la convention fût toute autre. Il lui a toujours refusé l’impossible enthousiasme que la pauvre sotte voudrait lui inspirer. Il lui a donné sa protection, qu’il lui devait, et ses sens, dont je ne suis pas jalouse. Elle est sa ménagère, sa femelle et ne peut être que