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acte de sensiblerie. J’ai cru frapper un grand coup, et je l’aurais frappé, si Paul n’eût brisé mon ouvrage en épousant sa maîtresse !…

Je n’osais demander l’explication de ces paroles mystérieuses, tant je craignais de voir Césarine repousser le piédestal sur lequel elle était remontée ; mais elle était lasse de se taire, l’expansion de la pauvre Marguerite avait rompu le charme ; la sérénité de la déesse était troublée par cet incident vulgaire. Césarine, tout comme Marguerite, avait besoin de parler, elle parla malgré moi.

— Tu ne veux pas comprendre ? reprit-elle irritée de mon silence.

— Non, lui dis-je ; j’aime mieux croire.

— Cruelle, comme il y a longtemps que tu ris du châtiment que tu crois m’être infligé par la destinée ! Tu me crois vaincue et brisée, n’est-ce pas ? Eh bien ! tu te trompes, je ne le suis pas, je ne le serai jamais. J’ai voulu être aimée de Paul Gilbert ; je le suis !

— Tu mens ! m’écriai-je ; son amitié pour toi est aussi sainte que tous les autres sentiments de sa vie.

— Et qui donc voudrait qu’il en fût autrement ? répondit-elle en se dressant dans sa plus écrasante fierté. T’es-tu jamais imaginé que je voulais le rendre adultère et descendre à l’être moi-même ?

— Non, certes ; mais tu crois peut-être troubler sa raison, torturer son cœur et ses sens…

— Je ne m’abaisse pas à savoir s’il a des sens et si mon image les trouble. Je vis dans une sphère d’idées et de sentiments où ces malsaines préoccupations