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peu de mécontentement. Voyons, ma pauvre Marguerite, êtes-vous sans conscience et sans respect des choses les plus saintes ? Croyez-vous que, si votre mari avait la folie d’être épris de moi, je ne m’en apercevrais pas ?

— Peut-être, ma marquise ! Ne me grondez pas. Qui peut savoir ? Paul est si drôle, si différent des autres ! Je sais bien, moi, que tout le monde n’est pas comme lui. Il y en a qui ne savent rien cacher : des gens qui ne le valent pas, mais qui sont plus ouverts, plus passionnés, dont on connaît vite le bon et le mauvais côté. On n’est pas longtemps trompé par eux : ils vont où le vent les pousse ; mais Paul avec sa raison, son courage, sa patience, on ne peut rien savoir de lui !

— Il me semble, reprit Césarine avec une ironie dont Marguerite ne sentit pas toute la portée, que vous faites ici une étrange allusion au passé. Il semblerait que, tout en mettant votre mari beaucoup au-dessus du mien, vous ayez au fond du cœur quelque regret d’une passion moins pure, mais plus vive que l’amitié.

Marguerite rougit jusqu’aux yeux, mais sans renoncer à s’épancher sur un sujet trop délicat pour elle. Je voyais en présence les deux natures les plus opposées : l’une résumant en elle tout l’empire qu’une femme est capable d’exercer sur les autres et sur elle-même ; l’autre absolument dépourvue de défense, capable de raisonner et de réfléchir jusqu’à un certain