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modéré chez moi. Je ne suis pas attiré par le plaisir fiévreux. Mes nerfs ne sont pas entraînés aux paroxysmes, mon cerveau n’est guère poétique, un idéal n’est pour moi qu’une chimère, c’est-à-dire un monstre à beau visage trompeur. Pour moi, le charme de la femme n’est pas dans le développement extraordinaire de sa volonté, au contraire il est dans l’abandon tendre et généreux de sa force. Le bonheur parfait n’étant nulle part, car je n’appelle pas bonheur l’ivresse passagère de certaines situations enviées, j’ai pris le mien à ma portée, je l’ai fait à ma taille, je tiens à le garder, et je défie mademoiselle Dietrich de me persuader qu’elle en ait un plus désirable à m’offrir. Si elle réussissait à m’ébranler en agissant sur mes sens ou sur mon imagination, sur la partie folle ou brutale de mon être, je saurais résister à la tentation, et, si je sentais le danger d’y succomber, je prendrais un grand parti : j’épouserais Marguerite.

— Épouser Marguerite ! ce n’est pas possible, mon enfant !

— Ce n’est pas facile, je le sais, mais ce n’est pas impossible. Cette union blesserait votre juste fierté ; c’est pourquoi je ne m’y résoudrais qu’à la dernière extrémité.

— Qu’appelles-tu la dernière extrémité ?

— Le danger de tomber dans une humiliation pire que celle d’endosser le passé d’une fille déchue, le danger de subir la domination d’une femme altière et impérieuse. Marguerite ne se fera jamais un jeu