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m’adorait et me gâtait. Mon père me chérit aussi, mais il ne me gâtera pas et je suis encore dans l’âge où, quand on n’est pas gâtée, on a peine à comprendre qu’on soit aimée véritablement. Est-ce que vous ne comprenez pas cela ?

— Si fait, et me voilà résolue à vous gâter.

— Par pitié, n’est-ce pas ?

— Par besoin de ma nature. Je n’aime pas à demi, et je suis malheureuse quand je ne peux pas donner un peu de bonheur à ceux qui m’entourent ; mais quand je crois voir qu’ils abusent, je m’enfuis pour ne pas leur devenir nuisible.

— C’est-à-dire que vous croyez dangereux d’aimer trop les gens ? Vous pensez donc comme mon père, qui s’imagine des choses bizarres selon moi ? Il dit que l’on est au monde pour lutter et par conséquent pour souffrir, et qu’on a le tort aujourd’hui de rendre les enfants trop heureux. Il prétend que beaucoup de contrariétés et de privations leur seraient nécessaires pour les rompre au travail de la vie. Voilà les paroles de mon cher papa, je les sais par cœur ; je ne me révolte pas, parce que je l’aime et le respecte, mais je ne suis pas persuadée, et, quand on est doux et tendre avec moi, j’en suis reconnaissante et heureuse, meilleure par conséquent. Vous verrez ! Puisque vous ne voulez vous engager à rien, attendons, vous m’étudierez, et vous verrez bientôt que la méthode de ma pauvre chère maman était la bonne, la seule bonne avec moi.

— Puis-je vous demander ?… Mais non, vos beaux