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langue de la civilisation n’arrive plus à mon esprit. C’est inutile. Il y a trois ans que j’aime mademoiselle Dietrich ; j’ai essayé, pour l’oublier, d’en aimer une autre ; cette autre, je la lui ai sacrifiée, et ç’a été une très-mauvaise action, car j’avais séduit une fille pure, désintéressée, une fille plus belle que Césarine et meilleure. Je ne la regrette pas, puisque je n’avais pu m’attacher à elle ; mais je sens ma faute d’autant plus qu’il ne m’a pas été permis de la réparer. Une petite fortune en billets de banque que j’envoyai à ma victime m’a été renvoyée à l’instant même avec mépris. Elle est retournée chez ses parents, et, quand je l’y ai cherchée, elle avait disparu, sans que, depuis deux ans, j’aie pu retrouver sa trace. Je l’ai cherchée jusqu’à la morgue, baigné d’une sueur froide, comme me voilà maintenant en subissant l’expiation de mon crime, car c’est à présent que je le comprends et que j’en sens le remords. Attaché aux pas de Césarine et poursuivant la chimère, je m’étourdissais sur le passé… On me brise, me voilà puni, honteux, furieux contre moi ! Je revois le spectre de ma victime. Il rit d’un rire atroce au fond de l’eau où le pauvre cadavre gît peut-être. Pauvre fille ! tu es vengée, va ! mais je te vengerai encore plus, Césarine n’appartiendra à personne. Ses rêves de bonheur s’évanouiront en fumée ! Je tuerai quiconque approchera d’elle !

— Vous voulez jouer votre vie pour un dépit d’amour ?

— Je ne jouerai pas ma vie, je nierai, j’assassinerai,