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avantageusement notre capital, et qui le fit frauduleusement disparaître. Nous étions ruinées ; il nous restait à peine le nécessaire, je m’en contentai. J’étais laide, et personne ne m’avait aimée. Je ne devais pas songer au mariage ; mais ma sœur était jolie ; elle fut recherchée et épousée par le docteur Gilbert, médecin estimé, dont elle eut un fils, mon filleul bien-aimé, qui fut nommé Paul ; je m’appelle Pauline.

Mon beau-frère et ma pauvre sœur moururent jeunes à quelques années d’intervalle, laissant bien peu de ressources au cher enfant, alors au collége. Je vis que tout serait absorbé par les frais de son éducation, et que ses premiers pas dans la vie sociale seraient entravés par la misère ; c’est alors que je pris le parti d’augmenter mes faibles ressources par le travail rétribué. Dans une vie de célibat et de recueillement, j’avais acquis quelques talents et une assez solide instruction. Des amis de ma famille, qui m’étaient restés dévoués, s’employèrent pour moi. Ils négocièrent avec la famille Dietrich, où j’entrai avec des appointements très-honorables.

Je me hâte de dire que je n’eus point à regretter ma résolution ; je trouvai chez ces Allemands fixés à Paris une hospitalité cordiale, des égards, un grand savoir-vivre, une véritable affection. Ils étaient deux frères associés, Hermann et Karl. Leur fortune se comptait déjà par millions, sans que leur honorabilité eût jamais pu être mise en doute. Une sœur aînée s’était retirée chez eux et gouvernait la maison avec beaucoup d’ordre, d’entrain et de douceur ; elle était