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répondu par des sophismes, tu as dit des folies, mais tu ne me savais pas, tu ne me sentais pas là ! Me voilà, c’est moi ! Est-ce que tu ne me vois pas ? est-ce que tu ne comprends pas ? Tu as l’air égaré ! Voyons, vite, fuyons, rejoignons ce guide qui nous attend. Une minute d’hésitation peut m’envoyer à la guillotine. Est-ce là ce que tu veux ? Te suis-je devenue odieuse parce que je suis restée fidèle à mon roi, à mon Dieu et à mon père ? N’as-tu donc plus d’amitié pour moi ? Henri, n’es-tu plus mon frère et mon ami ?

HENRI. Tais-toi, Louise, tais-toi ! tu me fais trop de mal, vrai ! Tiens, vois, je pleure, moi, un soldat… un républicain !… Je ne me croyais pas si lâche… Laisse-moi, ne me dis plus rien.

LOUISE. Tu faiblis, tu cèdes ! Allons ! pleure, pleure, n’aie pas honte de pleurer ! C’est ton cœur qui guérit et ton honneur qui se réveille. Viens !

HENRI. Mon honneur ? Non, Louise, non ! de ce côté-là, je vois clair. Mon honneur me condamne à rester sous mon drapeau.

LOUISE. Ce n’est pas votre dernier mot, Henri ?

HENRI. Si fait ! c’est le dernier, ma pauvre Louise ! Tu ne comprends pas cela, toi qui me pries de me déshonorer ! Mais si ! tu le comprends au fond du cœur. Tu me mépriserais, si, après tout ce que tu as entendu…

LOUISE. Je vous méprisais en l’écoutant. Si vous voulez retrouver mon estime, partons !

HENRI. Voyons, cruelle enfant que tu es ! ne nous quittons pas avec des malédictions et des injures, c’est odieux, cela. Ah ! je ne croyais pas le devoir si difficile… N’importe, nous ne sommes pas dans l’âge d’or, il faut apprendre à souffrir ! Va-t’en, Louise ! adieu !