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eussent été là, ils m’eussent crié : « Marche et ne recule pas ! » Eh bien, j’y suis à présent, dans la grande mêlée ! Je suis patriote, j’appartiens à la Révolution, puisque j’ai donné mon sang pour elle. Elle est ma religion et mon dieu, comme mon régiment est ma famille et comme vous êtes mon confesseur. La République nous surmène ? C’est possible. Égarée ou sage, ivre ou méchante, malade ou folle, elle est notre mère, et une mère n’a jamais tort quand il s’agit de la défendre. Plus tard, quand je serai vieux ou infirme, je jugerai peut-être ses actes ; mais, tant que mon bras pourra soutenir un sabre, je me battrai pour elle, fallût-il écraser mon propre cœur sous les sabots de mon cheval !

LE CAPITAINE, exalté. Henri, embrasse-moi, généreux enfant ! ta foi transporterait des montagnes ! Oui, des hommes comme toi, des hommes qui croient doivent sauver la patrie. Vive la République ! (Abattu.) Nous brûlerons donc…

HENRI. À quand l’exécution de votre mandat ?

LE CAPITAINE. C’est pour cette nuit. Je compte procéder avec prudence. J’ai donné des ordres pour qu’il n’y eût pas une âme vivante autour de l’enceinte. Il ne faut pas exaspérer les habitants et les exposer à faire résistance. Ils succomberaient misérablement.

HENRI. Mon capitaine, je crois qu’ils nous aideraient plutôt. Tous les paysans ne sont pas royalistes, et ceux qui sont restés chez eux ne le sont peut-être pas du tout. N’importe, j’irai faire une ronde.

LE CAPITAINE. Attendez, on vient.