Page:Sand - Cadio.djvu/62

Cette page n’a pas encore été corrigée

pauvres dupes, pauvres sots que nous sommes ! nous méritons bien ce qui nous arrive. Ceci servira de leçon à quelques-uns, j’espère ; mais ceux de nous qui vous eussent épargnés vont devenir atroces d’indignation et de vengeance : ce sera vous qui l’aurez voulu, messieurs les traîtres ! Malheur à vous ! nous accepterons le règne de la terreur plutôt que votre amitié perfide. Pour ma part, je sors d’ici en secouant la poussière de mes pieds, comme d’un lieu maudit où le canon républicain fera bien de ne pas laisser pierre sur pierre. (Il sort.)

LE COMTE. Insolent !… non, honnête homme ! Ô mon Dieu ! qu’ai-je fait ? et où m’entraîne le point d’honneur ? (On entend des cris et le tocsin.) Que se passe-t-il ? le tocsin, sans mon ordre ? (Un coup de fusil très près. Louise entre, venant de l’intérieur. Elle est en costume d’amazone.) Louise, qu’est-ce que cela ?

LOUISE. Je ne sais pas. (Elle va à la fenêtre.)

LE COMTE, l’en retirant convulsivement. Ne reste pas là, va-t’en ! (Il va pour sortir. — Le Moreau, sanglant, blessé à la figure, paraît au fond de la seconde salle ; il élève son chapeau en l’air et crie : « Vive la nation ! » et « Vive la République ! » Un second coup de fusil, partant de l’escalier, l’atteint en pleine poitrine. Il tombe mort sur le seuil. On entend crier sur l’escalier : « À bas le municipal ! »)

LE COMTE. Ah ! les misérables ! (Il s’élance, l’épée à la main, sur ses paysans qui paraissent au fond, armés de fusils et de faux. Mézières se précipite à sa rencontre et le force à reculer en le couvrant de son corps.)

MÉZIÈRES. Arrêtez ! ils sont furieux, ils ne se connaissent plus ! (Louise aussi s’est élancée au-devant des paysans, qui s’arrêtent devant elle.)

LOUISE, aux paysans, montrant le cadavre de Le Moreau. Malheureux