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HENRI. Et, aujourd’hui, tu crois que sa reconnaissance est moindre, son amitié moins sincère ?

CADIO. Aujourd’hui, elle aime Saint-Gueltas mort, comme elle l’a aimé vivant. Le destin qui me poursuit a donné une belle mort à ce maudit, et à moi l’affront de la lui laisser conquérir, sous peine d’être lâche en tuant de ma main un rival sans défense. Louise s’est flattée de m’avoir désarmé en me promettant… Ah ! dites-lui bien que ce n’est pas pour elle, que c’est pour moi-même que je me suis abstenu de le frapper ! Dites-lui que sa promesse était lâche et odieuse ; elle a cru que je voulais d’elle autre chose que son amour ! Elle m’a jugée d’après lui ! Tenez ! son âme est flétrie comme sa personne, comme sa vie, comme son honneur. Tout est usé en elle, la joie d’être mère et la douleur de l’avoir été. Son cœur est glacé, les baisers d’un débauché ont souillé ses lèvres… Il ne reste plus d’elle que la brigande ennemie de son pays et alliée des traîtres. Ses vœux sont pour l’Angleterre, le Dieu qu’elle prie est le même fétiche que les moines voulaient me faire adorer ici ; c’est le roi du ciel qui gouverne le monde à la façon des rois de la terre, en consacrant l’esclavage ! Elle méprise le peuple dont elle s’est servie pour nous faire la guerre et dont elle rougirait d’accepter l’alliance… Elle est vaine, elle est folle, elle est aveugle,… et je l’aimais, moi qui aurais dû la trouver indigne d’être la compagne d’un soldat de la République !

LOUISE, paraissant. J’en suis indigne, Cadio, c’est vrai ! Considérez-moi comme morte et pardonnez-moi. Un éternel repentir expiera mon égarement.

CADIO. Que je vous pardonne ! Est-ce que vous l’accepteriez, mon pardon ?