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RABOISSON, après avoir lu. Très-aimable de sa part ! tu la remercieras pour moi.

SAINT-GUELTAS. Tu ne veux pas profiter ?…

RABOISSON. Ma foi, non, je suis las de vivre ; nous le sommes tous ! Notre cause est perdue, nous ne pouvons plus protester que par notre mort ; sachons mourir, ce n’est pas le diable.

SAINT-GUELTAS. Eh bien, moi, je ne veux pas mourir bêtement ! Il me faut une dernière aventure, une dernière émotion ! Je cours embrasser ma belle amie, et je reviens ici partager ton sort.

RABOISSON. Alors, fais attention au signal qu’elle t’indique.

SAINT-GUELTAS. Oui, je suis de sang-froid, et pourtant le cœur me bat ! Grâce à cette femme terrible et charmante, l’amour aura mes dernières palpitations !

RABOISSON. Allons, tu es heureux à ta manière jusqu’au bout ! Moi, je vais plus tranquillement au repos du néant absolu. Regarde comme la nature est insensible à nos désastres ! Le soleil rit dans ce charmant paysage. La rivière chante là-bas sous les saules, les oiseaux font leurs nids sur ces buissons qui nous entourent, et se dérangent à peine. — Et les hommes ! regarde là-bas ces pêcheurs qui jettent leurs filets… Comme ils se soucient peu de nous ! Le coup qui nous frappera leur fera à peine lever la tête, et les oiseaux, un instant effarouchés, reprendront leur ouvrage et leurs chansons !

SAINT-GUELTAS. Moi, je regarde cette terre dont l’herbe est foulée sous nos pieds et qui attend nos cadavres pour reverdir. Sais-tu que l’endroit est bien choisi pour notre sépulture ? Il est très-joli, ma foi ! Qui