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Scène V. — SAINT-GUELTAS, RABOISSON, L’ABBÉ SAPIENCE, STOCK, un Sous-Officier, un Soldat, deux Jeunes Soldats.

(Dans la prairie en face. — Une clôture en haie vive sans continuité borde le talus qui descend à la palude. Au delà est la rivière, puis le bois où sont cachés Motus, Cadio et ses hommes. — De grands arbres bordent un chemin, de l’autre côté de la prairie. — Quarante condamnés au centre d’un détachement d’infanterie sont à l’entrée. — Les soldats séparent les condamnés en deux groupes de vingt personnes chacun.)


SAINT-GUELTAS, qui regarde tout avec attention et curiosité, à Raboisson, qui est près de lui. Je ne vois pas encore comment on va s’y prendre pour nous expédier.

RABOISSON, tranquille et souriant. Aucun de ceux qui sont venus ici avant nous pour la même affaire qui nous y amène ne reviendra nous le dire ; mais je vois ce que c’est : on creuse une fosse de vingt-cinq ou trente pieds de long, on nous forme en pelotons de vingt individus, on nous range face à la tranchée, et on nous fusille par derrière à bout portant. Nous tombons le nez en terre, et tout est dit. Nous sommes morts et enterrés du coup !

SAINT-GUELTAS. C’est une mort ignoble ! Et personne ici pour nous voir tomber ! personne ne racontera avec quelle assurance ou quelle grâce nous aurons su mourir ! Pas un regard ami, pas une larme d’amour !

UN SOLDAT, bas, à son camarade. Ces rosses de terrassiers n’en finiront pas aujourd’hui ? Est-ce embêtant d’attendre comme ça ?

L’ABBÉ SAPIENCE, qui l’écoute. Oui, c’est une infamie, une cruauté gratuite ! on prolonge notre agonie.

LE SOLDAT. Ah ! si vous croyez que ça nous amuse, nous, d’être là pour ce que nous avons à y faire !