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ordonner qu’on nous laissât accrochés aux buissons de la route.

RABOISSON. M. Hoche a l’âme trop haute pour employer de pareils subterfuges. Il a juré à Sombreuil…

SAINT-GUELTAS. Il n’a rien juré. J’y étais !

RABOISSON. J’y étais aussi, ce me semble ! Sombreuil nous a dit…

SAINT-GUELTAS. Sombreuil a perdu la tête ! C’est un héros, mais c’est un fou ! Après avoir parlé à Hoche, il a voulu se jeter à la mer. Son cheval a résisté. S’il eût traité avec le général, il n’eût pas cherché à fuir ou à se tuer.

RABOISSON. Mais j’ai entendu les soldats crier : « Rendez-vous ! on vous fait grâce ! »

SAINT-GUELTAS. D’autres nous disaient : « Sauvez-vous ! » ce qui signifiait : « Vous serez tués, si vous restez. » D’ailleurs, les soldats peuvent-ils traiter avec les vaincus ? Il y a eu là-bas, sur cette pointe de rocher, un drame inénarrable, une confusion indescriptible. Les mêmes soldats qui nous criaient de fuir tiraient sur ceux de nous qui étaient déjà à la mer. J’étais calme, je voyais tout. Croyant mourir là, je ménageais mes coups, tous portaient. Je sentais que j’étais le seul maître de moi, le seul qui, n’ayant pas eu d’illusions sur cette dernière lutte, pouvait la contempler sans rage et sans terreur. Sais-tu à combien d’hommes nous avons cédé, nous qui étions encore trois mille cinq cents ? À sept cents fantassins que nous pouvions écraser. Nous avions tous le vertige, ils l’avaient aussi. Tiens ! j’ai senti là pour la première fois, en voyant des Français s’égorger sous la mitraille de l’escadre anglaise, que la guerre civile dépasse son but quand elle appelle l’étranger. J’ai rougi du rôle