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Je n’ai rien fait que ma conscience ne m’ait permis de faire, et je te croyais encore plus forte que moi de ce côté-là ! Tu ne l’es pas ? tu as peur de l’enfer ? Tu n’es qu’une femme comme les autres, et tu perds ton prestige. Tu ne peux rien contre moi, rien pour moi ; va-t’en, je te méprise !

LA KORIGANE. Ça, c’est la plus méchante parole que tu m’aies dite. J’aimerais mieux la mort que ce mot-là, car c’est par l’orgueil que tu m’as toujours menée ! Eh bien, écoute, je peux encore te servir à quelque chose. J’ai entendu ce que tu disais tout à l’heure ici ; je sais tes peines et tes colères. Veux-tu te débarrasser des deux hommes qui te rabaissent et te persécutent ? Ils sont là, tout près d’ici, oui, l’abbé Sapience et M. de Puisaye. Ils sont seuls, personne ne les garde. On ne soupçonnera ici personne. On croira qu’ils sont tombés à la mer. L’abbé est faible comme une mouche, je me charge de lui. L’autre n’a pas la moitié de ta force… L’endroit est désert. Demain, on aura besoin d’un chef, on sera content de te trouver, et celui qui te menace de faire reparaître la morte ne parlera plus ! M’entends-tu ? faut-il te conduire ? Je peux t’aider encore, tu le vois bien !

SAINT-GUELTAS. Où sont-ils ?

LA KORIGANE. Suis-moi ! (Ils montent sur un rocher escarpé. La Korigane montre un petit canot qui côtoie la rive.) Les voilà tous deux, ils viennent de faire une reconnaissance. Ils n’ont qu’un batelier. Ils vont aborder là-bas entre ces deux grosses pierres. Le batelier, qui est un pêcheur de la côte, rentrera chez lui. Eux, ils traverseront ce champ désert que tu vois là-bas, pour prendre le chemin du fort. Surprends-les, et reviens ici ; tu prendras le bateau, et je te ferai débarquer sur un