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les amis ! C’est nous qui défendons le pays, nous avons droit à tout ce que vous avez.

UN AUTRE PAYSAN. Vous défendez le pays, vous ? Eh bien, vous n’en défendez ni long, ni large, puisque nous voilà, grâce à vous, sur un pays grand comme la langue d’un chien et fait de même.

UN DES HABITANTS DE LA PRESQU’ÎLE. C’est vous qui êtes des langues de chien, dites donc ! Vous venez ici nous gêner et nous affamer, et vous méprisez notre endroit par-dessus le marché ! (Aux chouans.) Cognez-les donc, vous autres, on va vous aider ! (Les chouans et les paysans se battent. Les femmes éperdues accourent pour soutenir leurs maris. Les enfants se réfugient dans les rochers en pleurant et en criant. Une patrouille de la garnison anglaise arrive et sépare avec peine les combattants. Ne pouvant se faire comprendre, les soldats anglais les frappent et les menacent. — Un vieil émigré à cheval accourt et se fait expliquer la cause du tumulte.)

UN OFFICIER ANGLAIS, qui parle français. C’est comme cela dans tout le fond de la presqu’île, monsieur, on se bat pour les vivres et on en manque.

L’ÉMIGRÉ, à un paysan. Est-ce qu’on ne vous a pas fait une distribution de riz ce soir ? L’ordre a été donné…

UNE FEMME. On a donné l’ordre, oui, mais la nourriture, point ! Voilà vingt-quatre heures que nos pauvres enfants se nourrissent de quelques méchants coquillages, et pour les avoir ils font comme nous, ils se battent !

L’ÉMIGRÉ, à l’officier. Ceci est intolérable, monsieur ! Il y a chez vous une indifférence, ou un désordre…

L’OFFICIER. Oh ! monsieur, adressez-vous à l’administration, cela ne me regarde pas. Je suis chargé de la police et non des vivres.

L’ÉMIGRÉ. Vous ne faites pas mieux l’un que l’autre !