Page:Sand - Cadio.djvu/350

Cette page n’a pas encore été corrigée

Eh bien, j’ai été sa maîtresse comme vous, car vous n’êtes pas sa femme !

LOUISE. Je ne suis pas… ?

LA KORIGANE. Je n’ai réussi qu’à tuer l’enfant. La femme, le fantôme que vous avez vu le jour du mariage, parée de votre voile et de votre couronne, la folle enfin, que je croyais avoir noyée, s’est réfugiée sur un rocher où, au point du jour, l’abbé Sapience l’a trouvée ; il l’a emmenée dans une barque, il l’a cachée et envoyée à Nantes ; elle vit, la mort de son enfant lui a rendu la raison, à ce qu’on dit. On attend les événements pour la faire reparaître, si Saint-Gueltas l’emporte sur Charette. Voilà toute la vérité, je vous la dis aussi laide que je l’ai faite… Me croirez-vous à présent ?

LOUISE. Va-t’en ou tue-moi tout de suite, si tu veux ! J’ai horreur de la vie, j’ai horreur de toi, de Saint-Gueltas et de moi-même ! (La fusillade éclate plus près.)

ROXANE. Les chouans ont le dessus, tout est perdu, Louise !

LOUISE, égarée. Qu’importe ?

LA KORIGANE. Venez ! je peux vous cacher !

LOUISE. Emmenez ma tante : moi, je veux mourir ici ! (À Roxane.) Partez !

LA KORIGANE. Venez, Louise, venez !

LOUISE. Non !

LA KORIGANE, se jetant à ses pieds. Venez ! maudissez-moi, crachez-moi au visage, mais laissez-moi vous sauver ! Voyons !… si vous aimez encore le maître, souffrez tout, acceptez tout, faites comme moi, faites le mal, buvez la honte, et, comme